Grains de Folie

Grains de folie 89, Le Relecq-Kerhuon

L'aventure des Grains de Folie débute en 1989, dans la commune du Relecq-Kerhuon. Une jeune équipée du PLRK, enseignants pour la plupart, décide d'investir le parc du Gué Fleuri pour y semer leurs grains. Ils ne savent pas encore que celle-ci durera 7 ans, les menant dans des lieux très divers.

Déroulement de la journée

La cérémonie d'ouverture

Les spectateurs ont rendez-vous à 4h du matin, accueillis par des personnages habillés en grooms. L'attente est parfois longue et les comédiens sont là pour préparer les visiteurs, les faire patienter tout en entretenant le suspens. L'heure matinale crée une ambiance fantastique. Dans la nuit noire, le groupe est conduit sous un chapiteau où un premier personnage Monsieur Crupito les attend. Il leur annonce la raison de leur présence matinale : les spectateurs vont assister à la cérémonie du lever du soleil prévue à 6h13 précises, au Palace, où Monsieur Max leur servira au préalable un petit déjeuner.

Le rôle de M. Crupito est donc de préparer le spectateur à la suite des évènements. Il ajoute une touche d'insolite : la cérémonie n'est pas perceptible sans un « grain de folie » qui doit s'emparer de chaque spectateur. Cela passe par le port obligatoire d'un nez rouge et d'une paire de lunettes de soleil distribués à l’entrée. Grâce à ses accessoires, le spectateur voit son rôle devenir plus important : il va participer à l'action en devenant à la fois spectateur et acteur de la fête. La voix de M. Crupito les avise : « Et si vous sentez votre sérieux monter en vous, fixez immédiatement des yeux le nez pour retrouver votre humour ! ».

Un nouveau personnage fait son entrée : Glairo, un mercenaire qui prend en charge le groupe pour la traversée du parc. Le récit prend alors l'allure d'un récit d'aventure initiatique dans un monde fantastique. Ils prennent un chemin éclairé par des brûlots, ajoutant une dimension fantastique supplémentaire car le spectateur ne voit que le chemin dans lequel il s'aventure. Les sons qui règnent autour d'eux indiquent des présences invisibles qui confortent ce sentiment d'anormalité. Ils passent devant une série de squelettes au nez rouge et Glairo les prévient de « ne pas enlever leur nez », ce qui donne une touche absurde à la scène.

Le groupe continue de s'enfoncer dans la pénombre mais il est attaqué par un mercenaire que Glairo parvient à maîtriser au moyen d'une bombe anesthésiante. Une bande de shteumits, ces monstres étranges, fait irruption dans la foule pour dévorer le mercenaire et l'emporter avec eux.

Les spectateurs parviennent devant 3 portes, mais Glairo a subitement disparu. Le public est seul, livré à lui-même dans ce monde surprenant, face à un choix : trois portes. Doit-il ouvrir ? Quelle porte choisir ? Que se cache-t-il derrière ? Un « nez rouge » décide d'entrouvrir une porte, ce qui provoque l'hilarité générale : Cette porte est celle des toilettes, qui plus est, occupées. La deuxième porte révèle un personnage étrange profondément endormi dans son lit à la verticale. La 3e est la bonne et chacun s'engouffre dans cette voie. Dans cette mise en scène, les éléments du quotidien sont détournés : lit à la verticale, toilettes occupées, soit deux espaces d'habitude privés qui sont ici révélés à tous. Le spectateur se prend ainsi au jeu de l'interdit.

Une fois la porte franchie, apparaît un nouveau personnage : le Grand Horloger. Il introduit une première pression sur le spectateur au niveau du temps. Les spectateurs sont apparemment en retard et le Grand Horloger le leur fait remarquer. Ce nouveau guide les invite à le suivre jusqu'à destination et ils arrivent alors au Grand Palace, majestueux. Le tapis rouge est déroulé et voilà qu'une troupe de photographes se presse autour des visiteurs, les éblouissant par leurs flashs. Avec leurs lunettes, les spectateurs se transforment en « invités de marque ». Ils pénètrent alors dans le Palace où tout n'est que « luxe, calme et volupté » et des tables sont dressées pour un petit déjeuner accompagné de musique. Cela marque la fin du parcours initiatique où le héros devient un personnage à part entière. Transformé par ses aventures, il obtient un petit déjeuner bien mérité ainsi que le droit d'assister à la relève du Jour et de la Nuit, lui permettant ainsi de participer à la journée Grains de Folie.

Le petit déjeuner est inclus dans la trame puisqu'il effectue une transition en douceur entre le parcours initiatique et la cérémonie du matin. Les spectateurs sont accueillis par le maître d'hôtel M. Max, qui veille au bon déroulement de la réception. Le service est assuré par des comédiens et les spectateurs prennent leur déjeuner devant un concert, comme au cabaret, dans un décor de palace. La notion du temps et de l'espace est confuse ici aussi : en temps normal le cabaret a lieu le soir autour d'un verre mais ici, il a lieu vers 5h, autour d'un café et de pain grillé.

Au cours de ce petit déjeuner, les personnages informent de l'imminence de l'arrivée de Dame Nuit et de la relève du Jour et de la Nuit. M. Max semble perturbé et fait part de son inquiétude à ses invités : il craint que Dame Nuit n'arrive en retard pour la cérémonie, auquel cas le temps s'en trouverait déréglé. C'est ainsi que la pression monte et que le suspense grandit.

Dame Nuit fait alors une entrée remarquée dans le parc, arrivant en trombe en voiture devant le Palace, accompagnée en fanfare. Mitraillée de photos, elle se prête à leur jeu, exubérante. Le spectateur, traité avec les même égards que Dame Nuit, un des personnages les plus éminents de l'intrigue, peut être convaincu qu'il appartient au même monde. Dame Nuit se mêle alors aux invités-spectateurs, ravie de pouvoir passer ses derniers instants d'éveil avec des amis. M. Max surveille l'horloge avec inquiétude et l'exhorte une première fois à quitter l'assemblée pour aller se coucher. Elle refuse, souhaitant s'amuser encore et profiter de ces derniers instants.

Aux environs de six heures, elle sort du Palace et met fin au petit déjeuner. Les spectateurs la rejoignent dehors sur la terrasse. Le temps presse et le Grand Horloger commence à perdre patience : Solenis se lève à six heures treize. La pression se fait sentir et finalement Dame Nuit consent à aller se coucher, une flûte de champagne à la main. Une bande-son accompagne le parcours de Dame Nuit qui se dirige vers sa chambre, dressée sous une grande tente. La relève du Jour et de la Nuit est calée sur le véritable horaire du lever du soleil, soit 6h13 ce matin-là. Ce détail contribue à accentuer la pression, participant à la confusion.

La relève s'amorce. Au loin, le spectateur voit se détacher dans la nuit une forme blanche, flottante : c'est la Dame Blanche qui apparaît , entre Plougastel et Kerhuon. A bord de son bateau, elle se précipite à terre vers le Palace. Elle entre en trombe dans la chambre de la relève, perturbant la transition entre la nuit et le jour. Elle exhorte Solenis à renverser les normes établies du temps. Solenis, à demi éveillé et Dame Nuit, sur le point de dormir, se rencontrent alors pour la première fois !

La légende de Dame Blanche (pdf)

 

Suite de la journée

Durant cette journée, les spectateurs vont également se réunir en un grand rituel : le Record du Monde de lâcher de ballons qui inscrit les Grains de Folie dans le Guiness Book des Records pendant 5 ans. Ce pari loufoque vise une nouvelle fois à rendre cette fête participative, avec des spectateurs actifs. C'est également un moment de retrouvailles entre parents et enfants. Cet instant chronométré est très court puisqu'il ne dure que treize minutes, durant lesquels 26000 ballons vont être gonflés par les spectateurs. L'espace de la fête est la proie d'un déluge de couleur, transformant de manière éphémère l'espace investi. Après avoir remporté la victoire, c'est le défoulement et petits et grands éclatent les ballons dans une pétarade assourdissante.

Concernant les spectacles présentés, les Grains de Folie font preuve, durant cette année là, d’éclectisme grâce à un savant mélange de compagnies d'envergure internationale et de compagnies locales. En effet, il présente 6 compagnies venant des quatre coins de l'Europe pour proposer des spectacles issus du cirque ou du théâtre ainsi que des fanfares. Ainsi, durant cet après-midi, les spectateurs peuvent découvrir Boni et Caroli, deux acrobates venus d'Espagne et rois du monocycle, Macadam Phenomenes, troupe parisienne composée de quatre comédiens produisant aux Grains de Folie deux spectacles « mais où sont passés les coulisses » et « L'envol du Baron Rouge ».

 

Les Macadam Phenomenes

Tortell Poltrone

 

Les spectateurs assistent également à l'exploit de Tortell Poltrone, un clown catalan qui, sous leurs yeux, s'apprête à sauter d'une tour de 8 mètres dans un verre d'eau. La compagnie hollandaise Die Stilje Want présente au Gué Fleuri trois de ses spectacles. Enfin, vient le tour des fanfares piétonnes ZAP de Morlaix et Les Costards.


La fanfare ZAP

 

Le décor fait lui aussi appel à l'imaginaire. Si le spectateur s'aventure au bord de l'Elorn, la rivière semble avoir changé d'espace temps : sur l'eau se découvre une île volcanique. Sur sa gauche, une autre île laisse entrevoir des vestiges d'un temps révolu. Au milieu, Notre Dame de Rumengol, la Mari-Lizig et la Bergère de Domrémy, des vieux gréements de la rade de Brest, sont au mouillage. Ce décor sert de toile de fond à la Taverne des Boucaniers, un des espaces de restauration qui s'inspire de l'imaginaire de la piraterie.

Autour du Palace gravitent d'autres espaces comme le « bar punk odyssée 2001 », où le service est assuré par des punks sexagénaires kerhorres. On peut également trouver, pêle mêle, « l'espace délire » (terrain d'aventure dans les bosquets du gué fleuri), « la tente du désert » (qui, dans une ambiance orientale, propose du thé vert) ou encore l'espace « Gargantua » (pour les grandes faims). L'espace enfant joue, lui, sur les envies surdimensionnées des petits. On y trouve par exemple une fontaine de grenadine, un Vazimolo (gigantesque ballon gonflable de six mètres de diamètre), des mats de cocagne et de nombreuses sucreries.

Le passage du temps est marqué, au fil de la journée, par une performance technique : l'Horidien. Il s'agit d'un journal exceptionnel d'informations, qui doit sortir toutes les heures « afin de coller au plus près de l'actualité explosive de la fête ». Six Horidiens seront réellement tirés au cours de la fête.

Cérémonie de clôture

Enfin, vers 21h30 commence la cérémonie de clôture, spectacle musical réunissant une dernière fois toutes les compagnies de rue sur chaque édition. Il fait écho à la création collective du matin, « bouclant la boucle » de cette journée unique, qui fonctionne dans un temps, un lieu et un univers unique. Le Gué Fleuri est envahi par les sons, les images, les rythmes endiablés et les effets pyrotechniques de « Folies en stock ». M. Max prend alors la parole et déclare au nom de Chronos, maître du Temps, que la vingt-cinquième heure leur est accordée.

Les textes de ce site sont extraits du mémoire de Mélanie Tanneau,
"Grains de Folie, Genèse du Fourneau et des Arts de la Rue dans la région brestoise" - Plus d'infos...